A son audience du 18 novembre 2022, la cour constitutionnelle siégeant en matière de contrôle d’inconstitutionnalité et d’interprétation de la constitution, après avis du ministère public, s’est déclarée juge pénal compétent d’un ancien président de la République ou d’un ancien premier ministre qui n’est plus en fonction au moment des poursuites.
Depuis lors plusieurs initiés en la matière, n’ont pas donné leurs langues au chat pour qualifier ce nouvel arrêt de « suicidaire de l’état de droit tant vanté par le régime actuel de la République Démocratique du Congo ».
Ci-dessous, la réflexion d’un juriste et chercheur en droit constitutionnel, Alain Lejuste Kasonga.
En harmonie avec l’article 12 de la Constitution du 18 février 2006, qui consacre l’égalité de tous devant la loi, l’on devrait s’attendre à l’application uniforme des lois de procédure pénale à tous ceux qui ont des procès au Congo-Kinshasa.
Mais, force est de constater qu’il est accordé dans notre Constitution à certaines personnes des privilèges de juridiction notamment le cas d’un premier ministre en fonction .
Ce privilège n’est rien d’autre qu’un droit qui lui est reconnu d’être jugé pour des infractions lui reprochées par une juridiction à laquelle, la loi attribue exceptionnellement compétence.
Ainsi, la Cour Constitutionnelle est la juridiction du chef de l’Etat et du premier ministre ( Art.163 et 164 de la Constitution de la RDC).
À en croire, l’article 54 alinéa 2 du Code de procédure pénale (CPP) interdit la citation directe contre les bénéficiaires des privilèges des juridictions. Il faut la requête de l’OMP pour saisir la juridiction du jugement.
L’on est alors en droit de se poser cette question de savoir à quel moment se détermine ce privilège ? Le principe est qu’on doit se placer au moment de l’infraction pour juger la qualité du prévenu et déterminer la juridiction compétente ( Compétence personnelle) mais s’il arriverait que l’individu n’est plus en fonction comme premier ministre, quelle serait alors sa juridiction compétente ?
Le Droit Constitutionnel congolais est resté muet à cette question en nous prêtant avec force l’expression « vide juridique ».
Certains juristes pensent que « l’on ne poursuit pas en droit la qualité de la personne mais les faits ». La qualité détermine seulement la juridiction compétente au moment des poursuites. Alors si on ne poursuit pas la qualité quid de la compétence personnelle en matière répressive? S’interroge ce juriste.
Se prononçant sur la question, le Professeur Tshilumbayi Jean-Claude, estime que la cour constitutionnelle doit prouver sa compétence de rectification d’un arrêt non entaché d’une erreur matérielle.
« En effet, mais cette compétence de rectification doit exister, encore qu’il faille dire s’il s’agit d’une erreur matérielle. Que deviendrait le sacré principe non bis in idem ?« , s’est-il demandé.
Et de poursuivre « le nouvel arrêt va-t-il retroagir ou c’est pour l’avenir ?. La cour dit siéger en matière d’interprétation de la constitution mais sans dire par qui elle a été saisie. Nous sommes curieux de connaître la suite« .
Alain Lejuste Kasonga, juriste et chercheur en droit constitutionnel